À qui profite le divorce simplifié ?

Simplifier la vie des candidats au divorce et des magistrats, c’est l’objectif de la dernière grande réforme de la Justice adoptée en première lecture il y a tout juste une semaine. Zoom sur le divorce.

Un divorce sans juge : c’est ce que propose l’un des amendements de la réforme « Justice au XXIe siècle » du ministre Jean-Jacques Urvoas, adopté le 24 mai en première lecture à l’Assemblée nationale. « Les mentalités ont évolué, explique Maître Tania Tardel, avocat au barreau de la Guadeloupe. Il faut adapter nos droits à la réalité. On ne va pas garder des carcans qui existaient au XVIIIe siècle aujourd’hui. C’est le cas notamment de la loi du mariage pour tous. »
En 2015, en France métropolitaine, 54% des divorces se font par consentement mutuel, ce qui correspond! à 60 à 70 000 cas rendus par an. En Guadeloupe, on en dénombre 90 à Basse-Terre et près de 800 à Pointe-à-Pitre. « L’essentiel du consentement mutuel, c’est qu’il y ait un minimum d’accord et de dialogue entre les parties. C’est cette entente qui permet d’aller vite dans un divorce » , continue l’avocat.
« Bien évidemment, il y a les délais de la justice mais c’est la collaboration entre les deux époux le nœud de tout».  Mais un couple d’accord sur tous les points pendant un divorce, n’est-ce pas un peu utopique ? Pour l’avocat, il s’agit majoritairement de couples entre 30 et 45 ans où la question des enfants n’est pas une entrave. Des couples qui ne souhaitent pas reproduire le schéma de leurs parents et ainsi qui veulent quitter cette situation au plus vite.

DÉJÀ RÉFORMÉ EN 2004

Historiquement, le tout premier divorce fait suite à la Révolution de 1789 et a été adopté le 20 septembre 1792 par l’Assemblée nationale. Le divorce par consentement mutuel est quant à lui né avec la réforme du 11 juillet 1975. À l’origine, il prévoyait deux passages devant le juge. Un premier avec tentative de conciliation et convention provisoire, puis un deuxième passage avec signature de la convention définitive de divorce. Il a ensuite subi des simplifications en 2004 avec l’obtention d’un seul et unique passage devant le juge. Le problème de la réforme du divorce par consentement mutuel n’est donc pas nouveau et a déjà été envisagé de nombreuses fois. Aujourd’hui, cet amendement intervient dans un contexte de France en pleine crise économique. « Je pense que les choses se sont un peu précipitées et on peut constater que cette réforme arrive un peu en catimini » , confie Maître Tardel. « Cet amendement est présenté comme une simplification de la procédure mais en réalité, c’est plutôt pour des raisons économiques qu’il est proposé. » Ce n’est donc plus le magistrat mais un notaire qui signera la convention finale.

ELLE A DIT LUCILE CELIER-DENNERY, juge aux affaires familiales : « Supprimer le passage devant le juge ne me choque pas ».

Le passage devant le juge lors d’un consentement mutuel est-il vraiment nécessaire aujourd’hui ?

Lucile Celier-Dennery, Juge aux affaires familiales

C’est mon point de vue personnel, cela n’engage pas la juridiction. C’est vrai que pour de nombreux mariages par consentement mutuel, cela n’apporte pas grand-chose de passer devant un juge. Quand il n’y a pas d’enfant, supprimer le passage devant le juge ne me choque pas. C’est quand même rare qu’on refuse d’homologuer des conventions mutuelles mais je pense qu’avec des enfants, c’est bien d’avoir le regard d’un juge. Bien sûr, c’est discutable parce qu’il existe des gens non mariés qui se séparent et qui se mettent tout de même d’accord pour les enfants.

Pensez-vous que cela puisse lever la barrière psychologique de la peur du tribunal ?

Symboliquement, je peux comprendre. Mais vous savez, le passage devant le juge n’est pas très formel. C’est un juge dans son bureau, qui ne porte même pas sa robe. Ce n’est pas dans la salle d’audience comme pour les correctionnelles. C’est seulement avec le greffier, en tenue civile.
C’est sûr que ce n’est jamais agréable d’aller au tribunal mais dans tous les cas, ce n’est jamais très agréable de divorcer.

Cette réforme devrait permettre de désengorger la justice et donc de réduire les délais ?

Nous, à Basse-Terre, nous avons des délais de traitement assez courts. Si aujourd’hui vous déposez une requête de consentement mutuel, en trois semaines vous pouvez être divorcés. Mais dans d’autres juridictions, notamment en Métropole, quelques fois il faut compter un an avant de pouvoir voir le juge des affaires familiales. À Basse-Terre, nous ne sommes peut-être pas très représentatifs. Je pense qu’ils sont un peu plus chargés à Pointe-à-Pitre.

Les différents divorces :

Le divorce pour faute (très peu usité):
Il consiste à énumérer un certain nombre de griefs à l’encontre de son conjoint pour que le divorce soit prononcé à ses torts exclusifs.
Réservé aux cas les plus graves, il est très long et très coûteux.
Le divorce pour altération du lien conjugal: Les époux sont séparés de fait dans la vie depuis au moins deux ans.
Le divorce sur acceptation du principe de la rupture du mariage : il est demandé par l’un et accepté par l’autre. Cela reste un divorce contentieux car il est à l’initiative d’un seul des époux et ils vont s’opposer sur les conséquences.
Le divorce par consentement mutuel : les deux époux s’accordent sur le principe de la rupture ainsi que sur les conséquences.

SON AVIS – Maître Tania Tardel, avocate au barreau de la Guadeloupe : « Le juge sert de garde-fou ».

Maître Tania Tardel « À mon avis, les gens vont se précipiter. Les choses ne seront pas faites correctement et il pourra y avoir un contentieux après. Le contrôle actuel du juge est très important parce qu’il sert de garde-fou, il est au-dessus de la mêlée. Nous avocats, pouvons donner des conseils. Mais nous n’avons aucune autorité, on ne va pas imposer aux couples quoique ce soit. C’est leur convention, ce sont eux qui la font. Il n’y aura plus d’autorité neutre pour constater que l’équilibre est garanti. C’est le danger de cette réforme. »

 

 

 

 

 

 

 

La médiation familiale en toute neutralité

Marie-Jeanne Quinol, médiatrice La médiation familiale peut être judiciaire ou spontanée. Quand des époux savent qu’ils ne pourront s’entendre, ils font appel directement à des associations de médiation familiale qui vont les aider à solutionner leurs difficultés. « La médiation n’est pas là pour ressouder les couples mais plutôt pour qu’ils divorcent de façon amiable et en bonne intelligence » , explique Marie-Jeanne Quinol, médiatrice à l’AMAF (Association de Médiation et d’Accompagnement Familial). « Pour nous médiateurs familiaux, le changement ne sera pas à mon avis négatif, ni positif en soi: les accords que viennent entreprendre les parents qui se séparent ou qui divorcent resteront toujours les mêmes. » Un rôle qui pourrait ainsi être conforté en l’absence d’un juge pour trancher ?

LA DATE 1792

Le tout premier divorce a été adopté le 20 septembre 1792 par l’Assemblée nationale.

 

Article écrit par Sophie LE MOIGN pour guadeloupe.franceantilles.fr . Pour voir l’article original, cliquez ici.

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